La brume épaisse,
à peine éclaircie par le mouvement
intermittent de l'essuie-glace, nous plonge dans
une atmosphère de film noir, de paysage sans
couleur, baigné par cette espèce
d'ouate humide. Le paysage semble en état
d'hibernation, sans vie, comme au creux de l'hiver,
où la vie se referme, se concentre sur la
chaleur du foyer, le temps, la route sont
interminables sur cette route de la Creuse qui nous
conduit pourtant vers nos vacances …
d'été. Le changement a
été brutal et s'est produit peu
après Limoges, où nous avons
dégusté notre petit déjeuner
presque en bras de chemise. Vacances au si petit
goût d'inconnu, à peine un petit
frisson d'appréhension, avec cette
destination qui nous est déjà
familière, l'Auvergne. De la brume
surgissent au dernier moment les petits bourgs
habituels, presque immuables, chacun nous rappelle
une anecdote, Pontarion et la flèche
cassée de notre petite remorque, Pontaumur
et le visage de Lise malade déformé
par la souffrance, nous retrouvons les lieux tels
qu'ils étaient …ou presque. Quelques maisons
de plus ont clos leurs volets, les feux sont
éteints, pas pour les vacances, mais
définitivement, pour vacance d'habitants,
les vieux sont partis, les jeunes aussi, le pays
s'éteint lentement, cachant par pudeur cette
blessure sous une couche de brume, pour faire
croire… Mais l'état de la route nous
rappelle de temps en temps à la
réalité. J'ai envie de crier : "
Accrochez-vous les gars, montrez-le votre beau
pays, c'est votre richesse, chez nous, les
promoteurs, les usines nous le détruisent un
peu tous les jours. Accrochez-vous, rien n'est
perdu. Le pire serait de baisser les bras. " Mais
il n'y a même pas de passant pour m'entendre.
Quand nous quittons
la Creuse, nous découvrons une
météo auvergnate identique, mais la
route confortable atténue un peu le
morosité du vacancier après son long
voyage. Le soleil est arrivé peu de temps
après nous en chassant brume et
humidité pour nous accompagner pendant la
quasi totalité de notre
séjour.
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